Vieillissement et addiction: bien soigner quand même?

FMH
Édition
2017/3031
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2017.05767
Bull Med Suisses. 2017;98(3031):937

Affiliations
Prof. Dr méd., Société Suisse de Médecine de l’Addiction (SSMA), Membre du comité d’organisation de la conférence «Vieillissement et addiction: bien soigner quand même?», Membre FMH

Publié le 26.07.2017

Il n’y a pas d’âge pour être dépendant. Dans la mesure où nous sommes de plus en plus nombreux à vivre de plus en plus longtemps, le nombre de personnes âgées en situation d’addiction est appelé à augmenter au cours des prochaines années. Cela représente un défi à relever pour toutes les personnes concernées ou impliquées.
L’acool et les médicaments occupent la première place parmi les substances psychotropes les plus consommées par les personnes âgées. Selon les observations, les hommes âgés ont davantage tendance à connaître des problèmes d’alcool, les femmes âgées des problèmes liés aux médicaments [1]. Chez les deux sexes, bien que les intoxications alcooliques diminuent de manière continue, la consommation à risque continue d’augmenter. En clair, les personnes âgées consomment de l’alcool de manière moins excessive, mais fréquente. Il n’est pas rare qu’ils consomment à la fois de l’alcool et des médicaments [2].
De nombreux facteurs aggravants liés à l’âge viennent favoriser l’émergence d’une dépendance au cours du dernier tiers de la vie. Parmi ceux-ci, citons la fin de la vie professionnelle, le décès des amis ou de son/sa conjoint-e, la ­diminution des capacités physiques et mentales, et une confrontation croissante avec la maladie et la mort [3].
Les addictions chez les personnes âgées sont difficiles à identifier de manière précoce. Elles se cachent souvent derrière des symptômes considérés comme «typiques du vieillissement»: chutes, confusion, troubles de l’attention et de la concentration, négligence de l’hygiène corporelle, troubles de l’alimentation et symptômes ­dépressifs, autant de manifestations dont on peut ­facilement concevoir la multiplication avec l’âge. En Suisse, les quelque 20 000 personnes dépendantes aux opioïdes de substitution, toujours plus nombreux à se rapprocher du troisième âge, constituent un défi particulier. Les maladies typiquement liées à l’âge interviennent plus tôt et plus fréquemment chez eux que dans le reste de la population. Ils connaissent un vieillissement biologique précoce marqué, souffrent de nombreuses comorbidités physiques et psychiques, et font peser une forte demande sur le système de santé et d’accompagnement du vieillissement [4].
De nombreuses professions s’occupent des personnes âgées en situation d’addiction: des domaines aussi divers que la politique, le travail social, la psychologie, la médecine, les soins aux malades et aux personnes âgées, le conseil nutritionnel etc. sont impliqués. Ce sont autant de représentations et de concepts divers à rapprocher, prioriser et coordonner; au cours de ce processus, les souhaits des premiers concernés et de leurs proches peuvent souvent passer au second plan. Du fait de cette interdisciplinarité, et de la multiplicité des intérêts qui en découlent, il est urgent et nécessaire de créer des modèles efficaces de soin pour les personnes âgées souffrant d’une addiction.
C’est à cette nécessité qu’est consacrée la conférence «Vieillissement et addiction: bien soigner quand même?» organisée par Fachverband Sucht en coopération avec de nombreuses associations professionnelles le 30 août 2017. Pour la première fois, les représentants des personnes concernées et des acteurs impliqués se rencontreront ­autour du thème de l’addiction et du vieillissement. La conférence abordera notamment les possibilités, les avantages et les ­limites des structures de soin, d’accompagnement des addictions et du vieillissement. Des modèles adaptés à la conjoncture actuelle seront présentés, les mesures indispensables soulignées. Cette conférence vise à promouvoir l’échange et le dialogue interdisciplinaires.
Prof. Dr méd.
Gerhard A. Wiesbeck
Société Suisse de Médecine de l’Addiction (SSMA),
Membre du comité d’organi­sation de la conférence «Vieillissement et addiction: bien soigner quand même?»
Universitäre Psychiatrische Kliniken Basel
Wilhelm Klein-Strasse 27
CH-4012 Bâle
1 Bitar R, Dürsteler KM, Rösner S, Grosshans M, Herdener M, et Mutsch­ler J. Substance abuse in ­older adults. Praxis 2014:103(18):1071–9.
2 Notari L, Le Mével L, ­Delgrande Jordan M,
et Maffli E. Zusammenfassende Ergebnisse der Schweizerischen Ge­sundheits­befragungen 2012, 2007, 2002, 1997 und 1992 hin­sichtlich des Kon­sums von Tabak, Alkohol, Medikamenten und illegalen Drogen. Addiction Suisse. 2014: For­schungs­bericht No 70.
3 NIDA. Substance Abuse Among Older Adults. https://www.drugabuse.gov/news-events/nida-notes/2011/12/substance-abuse-among-older-adults (Publication en ligne). 2011, 19 décembre. Dernier accès: 1er juin 2017.
4 Wetterling T, et Jung­hanns, K. (2017). Sub­stance abuse in older psychiatric inpatients. SUCHT. 2017;63(2):115–21.