Stratégie MNT: prévention comportementale vs prévention structurelle

FMH
Édition
2017/04
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2017.05348
Bull Med Suisses. 2017;98(04):95

Affiliations
Dr méd., membre du Comité central de la FMH, responsable du département Santé publique et professions de la santé

Publié le 24.01.2017

Notre santé dépend de notre environnement naturel et social, qui inclut pour le premier la qualité de l’air, de l’eau et du sol, et pour le second notre mode de vie et notre comportement. A cela s’ajoutent nos déterminants biologiques – difficilement modifiables – et, enfin, le système de santé. Pour des raisons purement démographiques, nous allons être confrontés ces prochaines décennies à une augmentation des maladies chroniques non transmissibles. Cette augmentation est conditionnée par nos actions d’aujourd’hui et aura lieu, qu’on le veuille ou non. La stratégie nationale de prévention des maladies non transmissibles (stratégie MNT) est née de la conclusion qu’il fallait agir, et cette ­nécessité d’agir est encore plus vraie après 2016.
La Suisse dispose de l’un des meilleurs systèmes de santé au monde et fait même partie du top cinq d’après l’Indice européen des consommateurs de soins de santé (European Health Consumer Index). J’en profite pour remercier tous les professionnels de santé qui, par leur investissement personnel, ont contribué à ce résultat. En ce qui concerne les objectifs de développement durable en matière de santé de l’Agenda 2030, dont la politique suisse s’inspire officiellement, notre position est en revanche nettement moins enviable puisque nous occupons la place 16 au niveau européen et la place 19 au niveau mondial (cf. Lancet du 21 septembre 2016).
Ce résultat relativement mauvais, nous le devons aux conditions structurelles qui relèvent, en définitive, du travail parlementaire. En comparaison internationale, la Suisse compte trop de personnes dépendantes au tabac et à l’alcool et trop de suicides. Tous les intervenants en médecine de famille ou aux urgences le savent bien: les personnes souffrant de problèmes de santé dus à la consommation de tabac ou d’alcool, à une alimentation hypercalorique, au manque d’exercice et à des situations psychosociales difficiles font partie de notre quotidien. Et aucun changement n’est attendu ces 30 prochaines années, suite aux décisions prises l’année dernière par notre Parlement. Pour la seule consommation de tabac, cela équivaut par année à des coûts de santé directs (c’est-à-dire financés par les primes d’assurance-maladie et les impôts) de l’ordre de 3 à 4 milliards de francs qui pourraient être évités, à des coûts supplémentaires indirects d’un demi-milliard de francs ainsi qu’à des milliers de décès prématurés eux aussi évitables. Sans oublier la misère sociale, la violence, les accidents et des milliards de francs de coûts directs liés à la consommation d’alcool. Que faire?
Penser positif et travailler avec les moyens dont nous disposons, c’est-à-dire notre excellent système de santé, qui représente actuellement 99% des dépenses, et les programmes de promotion de la santé et de prévention (1% des dépenses). Seule une approche intégrée s’avérera payante, y compris pour les caisses-maladie, lesquelles feraient mieux de redistribuer l’argent des primes de manière solidaire et de le gérer correctement au lieu de dépenser des centaines de millions de francs dans les provisions de courtiers (EAE?) et la publicité visant à alimenter la chasse aux bons risques.
Si en théorie, la promotion de la santé, la prévention, le diagnostic, le traitement, la réadaptation et les soins palliatifs peuvent être abordés séparément, ce n’est généralement pas le cas au quotidien. La participation des patientes et des patients, mais aussi de toutes les professions impliquées dans le domaine de la santé, est essentielle afin de tenir compte de la diversité naturelle. Une approche top down n’est pas souhaitable. C’est dans ce sens que le département Santé publique et professions de la santé va s’investir dans la stratégie MNT, plutôt axée sur la prévention comportementale, et en particulier dans le plan de mesures «prévention dans le domaine des soins» (cf. article sur la stratégie MNT du point de vue des médecins à la page 100) . Sur le plan politique en revanche, tout ce que nous pouvons espérer de la législature en cours dans le domaine de la prévention structurelle ce sont, au mieux, quelques ­vagues promesses.